Sous ses airs de bobine d’exploitation vicieuse, Cannibal Man cache une œuvre bien plus dérangeante et subtile qu’il n’y paraît. Réalisé en 1972 par Eloy de la Iglesia, figure provocatrice du cinéma espagnol, le film détourne les codes pour livrer le portrait poisseux d’un homme névrosé, broyé par une société franquiste. Loin des jungles exotiques promises par son titre, Cannibal Man enferme son horreur dans le béton d’une banlieue ouvrière. Vicente Parra y incarne un employé de boucherie banal dont la spirale meurtrière s’enclenche par hasard, avant de se transformer en cauchemar de solitude et de décomposition morale. Tourné avec un réalisme cru, baigné d’une atmosphère suffocante et d’une violence à la fois physique et psychologique, Cannibal Man est au final une subtile tragédie humaine sur l’homosexualité refoulée. Un choc viscéral et lucide, encore aujourd’hui profondément dérangeant.